SPIRITUALITE & PHILOSOPHIE
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inscrite au fronton du temple de Delphes
Apollon, le dieu… iconoclaste !
Les deux pôles de l’Humanité
De même qu’on a deux mains similaires et pourtant différentes, Imaginaire et Connaissance sont les deux axes de l’activité mentale. A leur intersection l’humain se sent exister, tel qu’il se le figure d’abord puis grâce aux résultats de son action. L’Imaginaire innove et rassure, la Connaissance étaye ses productions et les fait advenir. Entre ces deux pôles l’homme oscille comme un pendule, tantôt vers plus d’imaginaire tenté par l’illusion, tantôt vers le pragmatisme au risque de se réfugier dans la force brute. Enfin, grâce à ces deux leviers mentaux, la conscience humaine dresse devant elle un miroir pour avoir une idée d’elle-même, autant que du monde.
Apollon : dieu athée ?
Le but premier de la religion est de tendre à l’homme une surface réfléchissante. Un exemple de cette optique nous est fourni par le temple d’Apollon à Delphes. Mais d’une façon étonnamment philosophique et… anti-religieuse. Jugez-en plutôt : chaque entrant au temple pouvait lire au fronton du sanctuaire une inscription qui donnait le véritable mode d’emploi de toute religion : « Connais-toi toi-même ». Magnifique et élégante façon pour le dieu de s’effacer. Et d’inciter l’homme à chercher sa spiritualité non pas dans quelques cieux lointains ou culte abscons, mais au cœur de lui-même. En s’inscrivant dans un processus de connaissance.
C’est-à-dire incluant la pratique du doute, de la réflexion, des essais et erreurs, intégrant forcément la relativité. Y compris, donc, des dieux et des religions ! On ne saurait faire plus… iconoclaste de la part d’un dieu ! En rappelant la beauté de la condition humaine soulignée par sa plastique parfaite devenue synonyme de bel homme.
Soi(s) dieu ?
A celui qui allait entrer dans ce temple, l'inscription suggérait que ce dieu que l’on veut tellement autre, que l’on va prier à l’extérieur de soi, n’est autre que… soi-même ! Ainsi, l’inscription, le dieu, invitaient de la façon la plus valorisante qui soit à entrer dans le temple autant… qu’à ne pas y entrer ! Elle annihilait discrètement l’envie de se perdre en dévotion, en un mot de s’abîmer dans la religion. La connaissance commence par la réflexion, qui n’est pas ennemie de l’humour, ici pratiquée par le dieu lui-même. En cela, était proposé un modèle éthique invitant à voir en tout un chacun une source de connaissance. Autant qu’une image du dieu, puisque chacun ayant lu l’inscription pouvait prétendre à ce statut.
A condition de reconnaître qu’on a beaucoup à apprendre. Sur soi comme sur autrui. Le privilège du dieu était aboli au profit d’une égalité de condition, celle d’ami du savoir, philo sophos. Ce qui n’excluait pas de proposer à l’humanité la musique et la poésie, caractéristiques d’Apollon. Ce que suggère brillamment la sculpture de l’opéra Garnier.
Soi(s) les autres !
La connaissance devenait ainsi l’essence du dieu, du divin. Parfaitement accessible à tout homme. Avec en cadeau la démocratie puisqu’on était invité à voir en autrui un autre Apollon ; loin d’être une réduction par le bas c’est à élever sa perception qu’était invité le pèlerin. En considérant tout autrui comme un dieu, comme un autre Apollon dont il pouvait apprendre quelque chose.
Et pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté l’inscription entière précisait bien qu’on y gagnait la connaissance de l’univers autant que des dieux, « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux » puisqu’il suffisait de faire connaissance avec soi-même… ou avec les autres ! Et le tout très simplement, de façon conviviale, car la façon première de faire connaissance avec l’autre c’est de partager sa nourriture en pique-niquant ensemble aux alentours du temple. La philosophie est amie du plaisir !